30 octobre 2006

Les saisons






Et vous, combien en avez-vous, de saisons ? deux, quatre, plus ou moins ? De toute façon, il paraît qu’il n’y a plus de saisons !

Pluie

Pluie d’août, pluie dense
sur la sueur en marée de nos bustes debout,
Pluie d’août, déluge vertical
sur la savane à la camisole brodée de moissons futures,
Pluie épaisse sur les chemins
que râclent nos marches majeures,
Pluie sur nos dos larges riches
des cicatrices de nos jours de jadis,
Pluie fétiche sur nos biceps
que hantent les tisons de l’acte essentiel,
Pluie sur nos cases-carrefours pleines de gongo,
Pluie sur la paix de l’amulette
d’où germera la victoire de l’esprit.
Pluie d’août, pluie dense !
Que se gonfle le dense liquide du Congo !
Que s’enflent la flânerie horizontale du Niger
et la pause bleue clair du Retba et du Malika
que hantent les souffles venus d’autres horizons !
Pluie sur l’été de l’arène
Où murit le destin de toute une race debout

Pluie d’août sur la symbiose délicate des palabres
de l’est ouest nord sud,
Pluie torrentielle sur l’indiscrétion des tam-tams
que torturent des mains ivres lourdes de bagues de Bouré
Pluie claire sur le nœud fécondant des coeurs rassemblés.
Mais aussi, pluie fraîche comme lait de coco
et lagune hivernale
sur la cendre tumultueuse des guerriers
morts la louange ardente de l’Afrique à l’aisselle.
Pluie d’août sur Notto Gouye Diama !
Pluie d’août sur les cités sur pilotis
que berce comme nouveau-né la manie des flots de l’Ouémé.
Pluie sur les tentes des douars à saveur de thé et de viande grillée,
Pluie sur les bourgades perdues dans la prière fervente
De la Grande Ile.
Pluie sur les cannes sur les sueurs gelées
De Martinique !
Pluie ô pluie d’août
sur le flux splendide de mon peuple
Pesant de la marée des responsabilités à
hauteur de Kilimandjaro.

M’Baye Gana Kébé, Sénégal, L’Afrique noire en poésie, Gallimard, 1986.

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