10 avril 2008

La boucle

















Pour s’enfuir à travers les murs

Je bénis le prophète
Le prophète bénisse son maître
Artisan de la petite porte
qui fait petit la mère de la porte
dehors, salut à vous.
























Pour lutter contre le lion, le crocodile, l’hippopotame renverseur de pirogues

Même la pierre, cravache fend
de toute brousse lie la gueule
Qu’un seul bras ne se fatigue
qui soit mon bras
ou le bras du prophète Yakuba.
A jamais !

Pour séduire une femme

Démon fou
qui est après le parfum de sa mère
Démon de la folie fou
qui est après le parfum de sa mère
lie le lait jaune,
lie le lait noir.
Telle femme soit folle après moi
tout comme de la même manière
l’enfant est fou après sa mère
Telle femme soit folle après moi
tout comme de la même manière
ce gros bélier blanc
est fou après sa mère.
Telle femme soit folle après moi
Tout comme de la même manière
ce gros bélier blanc
est fou après son maître.

P. Idiart, Textes magiques songhay, dans Textes sacrés d’Afrique noire, choisis et présentés par Germaine Dieterlen, Gallimard, 1965.



L'oasis

oasis (nom féminin):
Ilot de végétation dans un désert.
[sens figuré] Tout lieu agréable et reposant dans un milieu agité.

























« Qu’est-ce, au fond, qu’une femme ? »
Comme tous les présidents, vous êtes un ogre, vous dévorez vos proies sans leur prêter l’attention suffisante, le rendez-vous suivant vous attend, votre agenda vous persécute, ce n’est pas votre faute, vous manquez de la durée nécessaire. Et pourtant, je le sais, « qu’est-ce qu’une femme ? » est la seule question qui vous intéresse vraiment après « serai-je réélu ? ».
En vous racontant ma vie, je vais vous faire le cadeau de vous répondre.























Car une femme africaine est sept fois une femme :
1. Elle descend en droite ligne de la première d’entre elles, Lucy.
2. Le bas de son ventre excisé et infibulé résume toutes les tortures infligées aux femmes depuis le fond des âges par la meute des hommes.
3. De l’aube jusqu’à la nuit, sans cesse elle travaille tandis que son époux assis sous l’arbre palabre.
4. Plus qu’aucune autre au monde, elle enfante. A croire que son utérus est la meilleure demeure pour la semence masculine.
5. Plus qu’aucune autre au monde, elle jalouse. Sans cesser, bien sûr, de sourire hypocritement à ses rivales concubines.
6. Plus qu’aucune autre au monde, son cul, l’âge venant, atteint des records de circonférence. Déesse souveraine de la graisse, ridiculisant pour toujours les régimes perpétuels de vos maigrelettes compagnes.
7. Plus qu’aucun être humain au monde, les catastrophes l’accablent sans jamais, jamais l’abattre.
La sept fois femme Marguerite vous offre ses secrets.


















De ce continent qu’est la femme, aussi vaste que profond, aussi divers que mystérieux, vos délicieuses Françaises n’habitent qu’une région, la minuscule partie tempérée. Et encore, elles n’en effleurent que la surface bitumée, leurs petits pieds mignons bien calfeutrés dans des escarpins hors de prix.
Si de cet univers infini, vous voulez connaître l’entièreté, de l’Est à l’Ouest et du ciel à l’enfer, suivez une Africaine. Par exemple, Marguerite, épouse Bâ, née Dyumasi.
Elle va maintenant vous entraîner dans son intimité la plus secrète.

Erik Orsenna, Madame Bâ, Fayard/Stock, 2003.
(Madame Bâ dont l’une des vies se termine à Tessalit)


8 avril 2008

La dune






















































Un guide m’a dit : « Nous avançons sur la route que les oasis ont empruntée depuis toujours pour voyager de mirage en mirage. » Même si ce n’est pas un phénomène habituel… J’espère que bientôt nous croiserons des caravanes de palmiers.

Les mille sables du désert ne suffisent pas à salir l’œil qui découvre l’oasis.

Bernard Olivié & Jorge Zentner, Caravane, FRMK, 2003.


6 avril 2008

Le prénom




Pour Zoë et Quentin, Dimitri, Nikola, Andréas, Aloys, Alexis, Loïs, Arthur, Ulysse, Denys, Orphéo, Yannis, Mathis à Mathéo, Théoni, Thomas, Adonis, Linos, Lysias, Timothée, Lylian, Louis, Hadrien, Colin ont été nécessaires pour élire Théo.

Pour Mariam, il a manqué l’auteur pour décider ensemble. Seule, elle a alors décidé de commémorer le voyage récent de Claudia en choisissant ce prénom catholique pour sa fille, pourtant musulmane.

Pour Mahamady et sa jeune épouse, respectueux de la tradition, il a interrogé son père, en tant que fils aîné. Celui-ci a interrogé l’imam qui a interrogé Dieu (?) qui lui a soufflé deux prénoms : Djamila et Fatimata. Ce sera le premier.

Pour Lionel et Sylvie, il semble que le choix n’exista pas, le prénom de leur fils est connu depuis toujours : Batiste.


Théo soleil

Quatre dingos dansent sur la plage
En Australie, l’eau, elle est sauvage
Trois libellules font des bulles
Et glissent sur ta peau, c’est la canicule

Mais tapoter l’eau fait un effet virtuose
Sur ta peau Théo c’est l’apothéose

Des caramels fondent dans le sable
Leur goût de miel est un peu diable
Des chocolats, rappelle-moi
D’éviter ça pour la prochaine fois

A moins que ta peau Théo, tout l’été dans l’eau
J’la parfume au sirop d’érable de Toronto

Mon rouge à lèvres coule au soleil
Réveille-toi Théo sans toi c’est plus pareil
Où t’es ... Théo ? T’es où ... Théo ?

Tes formes callipyges embrasent ma fièvre
Sais-tu Théo a quoi je rêve ?
A l’apocalypse de ta peau d’épice
A l’après-midi d’une folle éclipse

L’eau, dis c’est toujours aussi froid ?
Vois l’odyssée d’amour de mes doigts
Qui taquinent tes rêves je le vois
Aux frissons de chair que tu as

Quatre dingos
En Australie, l’eau
Trois libellules font des bulles
Et glissent sur ta peau, c’est la canicule
Quatre dingos
En Australie, l’eau
Trois libellules font des bulles
Pendant que tu dors sous ton vieux pull
Quatre dingos
En Australie, l’eau
Quatre dingos
En Australie, l’eau
Trois libellules font des bulles
Pendant que tu dors sous ton vieux pull
Théo je t’adore
Théo je t’adore
Théo je t’adore
Même quand tu dors
chut !

Daphné, Théo Soleil, extrait de « L’Emeraude »














Telle est, en définitive, la ligne de démarcation entre le sommeil des bébés et celui des adultes : explorer des terres inconnues pour les uns, retrouver une énergie dépensée pour les autres. D’un côté, on s’émerveille, de l’autre, on se reconstitue. Ce qui tendrait à expliquer que les bébés s’endorment à tout instant, n’importe où et dans toutes les positions, assis, couchés, arc-boutés à un buste, en voiture ou en poussette, dans le silence ou le vacarme, quelle importance. Pressés de rejoindre leurs terres, pourquoi diable attendraient-ils la nuit ou une prétendue heure de la sieste ? Dès qu’un enfant proteste au moment d’aller dormir, c’est que ce monde lui est devenu inaccessible. A l’inverse, arracher un bébé au sommeil, comme arracher un paysan à sa terre, est mission impossible ou alors se paye d’apocalyptiques hurlements. […]

L’adulte passe à peu près un tiers de la journée à dormir. Le bébé, lui, reste éveillé tout au plus quelques heures par jours, le temps d’attraper goulûment un sein ou de jeter un œil, tantôt à gauche, tantôt à droite. Une fois constaté que rien n’a changé, que tout est bien en place, le sein et le reste, bye bye les amis, il ferme l’œil, suçant sa tétine, et repart faire un tour dans des steppes connues de lui seul, se vautrant dans les mousses et les lichens. Pas un instant à perdre. Est-ce déjà l’éveil de la conscience du temps ?

Jean-Luc Outers, Le voyage de Luca, Actes Sud, 2008.