3 mars 2007

Le chagrin




Tout homme aura peut-être éprouvé cette sorte de chagrin, sinon de terreur, de voir comme le monde et son histoire semblent pris dans un inéluctable mouvement, qui s’amplifie toujours plus, et qui ne paraît devoir modifier, pour des fins toujours plus grossières, que les manifestations visibles du monde. Ce monde visible est ce qu’il est, et notre action sur lui ne pourra faire qu’il soit absolument autre. On songe donc avec nostalgie à un univers où l’homme, au lieu d’agir furieusement sur l’apparence visible, se serait employé à s’en défaire, non seulement à refuser toute action sur elle, mais à se dénuder assez pour découvrir ce lieu secret en nous-mêmes, à partir de quoi eut été possible une aventure humaine toute différente. Plus précisément morale sans doute.

Jean Genet, L’Atelier d’Alberto Giacometti, Editions l’Arbalète, Lyon, 1958, cité par Christian Caujolle, dans « Ce monde visible », Photos nouvelles, n° 43, janvier-février 2007.
































Toute seule, sans travail, la langue parle à plusieurs voix et raconte sans moi l’effeuillage du prélude. Voici le manteau, centon rapiécé, plus le récit simplement additif et composite de la chute des feuilles successives de l’habit ou des pages qui relatent le déshabillage, voici, de plus, l’Empereur de la Lune au centre, devenu la risée du public et bientôt sa tête de Turc, sous les lazzis et les sifflets, voilà enfin ce qu’Arlequin porte au centre de son centre, au sein de tous les plis de ses habits, ou en dessous de tous ses dessous : ce qu’il est, un et plusieurs.
Michel Serres, Le Tiers-Instruit.

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