L’enfant ? Il aurait dû naître en novembre d’il y a quelques temps. Aujourd’hui, il n’est nulle part. Seulement dans ses émotions à elle, et dans les miennes. Peut-être y pensons-nous chacun de notre côté… Mais ça non plus on ne peut pas le savoir.
Souvent, quand je marche, j’ai l’idée de lui à mes côtés, un confident à qui transmettre une variété de sentiments et la liste d’innombrables lieux du monde où j’ai pu entr’apercevoir du calme et des espaces amoureux où il aurait fait bon se lover. Mais je saurai le retrouver, il aura le même visage, le même regard et puisque je l’attends, c’est que nous avons rendez-vous… Plus tard. Je le rencontrerai l’enfant de novembre, exigeant, et il voudra que je pleure une dernière fois de l’avoir fait attendre si longtemps pour nous rencontrer. Il me regardera le premier, lui saura qui je suis, moi, je ne saurai rien de lui. Aujourd’hui, il est encore dans l’éternité, à naviguer sans temps ni espace dans l’univers qui est immense et que moi j’ai oublié. Avant qu’il ne devienne réel et ne se fasse voler dans le corps d’une femme son infini, pour faire partie de nous, avec le temps des horloges et la mort inscrite dans ses cellules, je pense à lui, à sa puissance. Il n’a pas de nom, pas de visage, il est l’enfant d’univers qui se distingue uniquement des autres parce que moi, je pense à lui le soir et la nuit. Il ne sait encore ni crier ni s’émouvoir. Il sait tout du monde, mais rien de la vie. Là où il se trouve en ce moment ? C’est nulle part et partout. Dans le ciel et près de ma peau, derrière les rétines de mes yeux et loin, loin sur les vagues des océans, libre. Il vogue, il est la vague…
Nulle part je vous dis. Seulement dans ses pensées à elle et dans les miennes.
Yves Simon, La dérive des sentiments, Grasset, 1991.
(extrait du site scriptural de Gody)
dors mon orphelin mort
si la lune ici passe
retiens-la orphelin
c’est ta chance de voir
le soleil à minuit
en terre congolaise
à minuit le soleil
se montre à tous les morts
dors dors parmi les djinns
si tu choisis la vie
je te prête ma langue
elle te sera douce
douce fut mon aimée
elle est parmi les djinns
elle rit dans mon ventre
je la veux sur ma chair
l’aimée qui fut terrible
Tchicaya U Tam’si, « Dors, mon orphelin mort… », dans L’Afrique noire en poésie, Gallimard, 1986.
Souvent, quand je marche, j’ai l’idée de lui à mes côtés, un confident à qui transmettre une variété de sentiments et la liste d’innombrables lieux du monde où j’ai pu entr’apercevoir du calme et des espaces amoureux où il aurait fait bon se lover. Mais je saurai le retrouver, il aura le même visage, le même regard et puisque je l’attends, c’est que nous avons rendez-vous… Plus tard. Je le rencontrerai l’enfant de novembre, exigeant, et il voudra que je pleure une dernière fois de l’avoir fait attendre si longtemps pour nous rencontrer. Il me regardera le premier, lui saura qui je suis, moi, je ne saurai rien de lui. Aujourd’hui, il est encore dans l’éternité, à naviguer sans temps ni espace dans l’univers qui est immense et que moi j’ai oublié. Avant qu’il ne devienne réel et ne se fasse voler dans le corps d’une femme son infini, pour faire partie de nous, avec le temps des horloges et la mort inscrite dans ses cellules, je pense à lui, à sa puissance. Il n’a pas de nom, pas de visage, il est l’enfant d’univers qui se distingue uniquement des autres parce que moi, je pense à lui le soir et la nuit. Il ne sait encore ni crier ni s’émouvoir. Il sait tout du monde, mais rien de la vie. Là où il se trouve en ce moment ? C’est nulle part et partout. Dans le ciel et près de ma peau, derrière les rétines de mes yeux et loin, loin sur les vagues des océans, libre. Il vogue, il est la vague…
Nulle part je vous dis. Seulement dans ses pensées à elle et dans les miennes.
Yves Simon, La dérive des sentiments, Grasset, 1991.
(extrait du site scriptural de Gody)
dors mon orphelin mort
si la lune ici passe
retiens-la orphelin
c’est ta chance de voir
le soleil à minuit
en terre congolaise
à minuit le soleil
se montre à tous les morts
dors dors parmi les djinns
si tu choisis la vie
je te prête ma langue
elle te sera douce
douce fut mon aimée
elle est parmi les djinns
elle rit dans mon ventre
je la veux sur ma chair
l’aimée qui fut terrible
Tchicaya U Tam’si, « Dors, mon orphelin mort… », dans L’Afrique noire en poésie, Gallimard, 1986.
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