26 septembre 2006

La saudade



Quem mostro'b
Ess caminho longe?
Quem mostro'b
Ess caminho longe?
Ess caminho
Pa São Tomé

Sodade sodade sodade
Dess nha terra d’São Nicolau

Si bo t'screve'm
M’ta screve'b
Si bo t'squece'm
M’ta squece'b

Até dia
Ke bo volta

Sodade sodade sodade
Dess nha terra d’São Nicolau

Sodade, interprété par Cesaria Evora.

µ

C'est bien planqué au fond de l'âme C'est un frisson au goût amer Ce n'est pas les violons du drame Ca met du gris dans tes yeux verts

Ce n'est pas la mélancolie - mais encore Ce n'est pas le blues infini - mais encore C'est pas non plus la mélodie - de la mort Des accords et encore

C'est une femme entr'aperçue dans un port Une mélodie dont on a plus les accords C'est un poème très ancien sur l'amour, sur la vie Et la mort

Si la Saudade est dans les nuages - le parfum subtil De la nostalgie Elle a le visage de lointains voyages - c'est un grand voilier Qu'on a jamais pris - qu'on a jamais pris

Ca vient de loin et en douceur Cette douleur qui sent la marge C'est comme un souffle sur ton coeur Ca porte un joli nom Saudade

Si tu ne la vois pas venir - elle te voit Si tu essayes de la fuir - oublies ça Et même si tu veux en finir - Elle veut pas Elle se serre contre toi

C'est la maîtrise des musiciens - des poètes C'est la frangine des vauriens - de la fête Elle est planquée dans les plus belles mélodies Quand elle pleure, elle sourit

Si la Saudade est dans les nuages - le parfum subtil De la nostalgie Elle a le visage de lointains voyages - c'est un grand voilier Qu'on a jamais pris - qu'on a jamais pris

Saudade, interprété par Bernard Lavilliers.






µ




J'écoute au fond de moi le chant à voix d'ombre des saudades.
Est-ce la voix ancienne, la goutte de sang portugais qui remonte du fond des âges ?
Mon nom qui remonte à sa source ?
Goutte de sang ou bien Senhor, le sobriquet qu'un capitaine donna autrefois à un brave laptot ?
J'ai retrouvé mon sang, j'ai découvert mon nom l'autre année à Coïmbre, sous la brousse des livres.
Monde scellé de caractères stricts et mystérieux, ô nuit des forêts vertes, aube des plages inouïes !
J’ai bu – murs blancs collines d’oliviers – un monde d’exploits d’aventures d’amours violents et de cyclones.
Ah ! boire tous les fleuves : le Niger le Congo le Zambèze, l’Amazone et le Gange
Boire toutes les mers, boire tous les livres les ors, tous les prodiges de Coïmbre.
Me souvenir, mais simplement me souvenir…


Elégie des saudades, Léopold Sédar Senghor, à propos de son nom.



µ

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans
Un gros meuble encombrés de bilans,
De vers de billets doux, de procès de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que de tristes cerveaux.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
- Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.

Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité
- Désormais tu n ‘es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux ;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.

Spleen et Idéal (LXXVI), Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire, 1857.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quentin, ta lettre à Hada lui a fait fort plaisir (l'a fort émue), elle s'est mis dans la tête de télécharger toutes les photos de tes pages web! Bises, encore.

Manu (par mail)