22 avril 2006

Liberté/libération















































Comment porter ma liberté ? Comment me portera-t-elle ?
Où habiterons-nous après notre mariage ?
Que lui dirai-je au matin ? As-tu dormi comme il convient
Que tu dormes à mes côtés ? As-tu rêvé de la terre du ciel ?
Es-tu tombée follement amoureuse de toi-même ? Es-
tu sortie saine et sauve de ton songe ?
Que prends-tu : thé ou café au lait ?
Que préfères-tu : le jus de fruit ou mes baisers ?
Comment rendre libre ma liberté ? O étrangère !
Je ne suis pas ton étranger. Ce lit est ton lit. Sois
Libertine, libre, infinie par tes soupirs éparpille mon
corps,
Fleur après fleur. Ma liberté ! Habitue-moi
A toi. Emporte-moi derrière les concepts, que
Nous devenions deux en un !
Comment la porterai-je, comment me portera-t-elle,
Comment être son maître,
Quand je suis son esclave ? Comment rendre libre ma liberté
Sans nous séparer ?

Mahmoud Darwich, Etat de siège, Actes Sud, 2004.




























Libération

C’est aujourd’hui le jour
des amours va-t-en guerre
Les filles fleurissent
Les femmes se cabrent en se grattant
l’occiput ou le vagin

Le printemps s’égrène
sur les pelouses
les rosiers ont ouvert les yeux
C’est aujourd’hui
Que je porte ton nom cloué
sur le torse comme un fétiche

Mille oiseaux déversent
le cristal de leur gorge
dans un chant qui craque
Je t’ai donné à boire
à toi qui voulait ne boire
que ma paupière
Je t’ai donné à boire un grand rire étincelant

C’est aujourd’hui le jour
où tes dents fêtent sans motif
la profusion de mon bras
sur ta nuque libérée

Ta main vient malicieusement
capturer sur la racine du plaisir
et sa houle voluptueuse
rouge comme les nuits du Fouta-Djalon
me pousse au sommeil

L’océan enchanté
bondit sur ses vagues
et fonde cent pelouses d’écumes
et toi Mariane tu es bleue
comme l’océan

Ta voix monte au ciel
comme pour feindre
un oubli dans la marche
en avant de cette terre touchée
qui se traîne qui se traîne
Tu me montres ton être fustigé

Tu es un complot
Mariane
une chienne aux abois
propriétaire
d’un parfait naufrage
Tu cries au secours
mais l’océan seul
peut venir car Mariane
ainsi que tu le sais
nous sommes les tendres victimes
de ta libération

Sony Labou Tansi, Poème et vents lisses, Le bruit des autres, 1995.

Choix des textes : ego.
Photos : Raphaël, mon fréro.


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