11 juin 2007

Le bonheur


Lorsque le cœur a parlé, il n’est pas convenable que la raison élève des objections. Au royaume du kitsch s’exerce la dictature du cœur.
Il faut évidemment que les sentiments suscités par le kitsch puissent être partagés par le plus grand nombre. Aussi le kitsch n’a-t-il que faire de l’insolite ; il fait appel à des images clés profondément ancrées dans la mémoire des hommes : la fille ingrate, le père abandonné, des gosses courant sur une pelouse, la patrie trahie, le souvenir du premier amour.
Le kitsch fait naître coup sur coup deux larmes d’émotion. La première larme dit : Comme c’est beau, des gosses courant sur une pelouse !
La deuxième larme dit : Comme c’est beau, d’être ému avec toute l’humanité à la vue de gosses courant sur une pelouse !
Seule cette deuxième larme fait que le kitsch est le kitsch.
La fraternité de tous les hommes ne pourra être fondée que sur le kitsch.


Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, Paris, Gallimard 1984.




























1 commentaire:

Anonyme a dit…

bdu (http://www.bduvitry.com/) a dit…
Bises de Lucette

14 juin, 2007