Le caracol est la conque marine dont le son convoque les Mayas, le colimaçon qui recycle au-dedans l'extérieur, la spirale qui enroule le passé, le présent et le futur, le glyphe polysémique omniprésent de l'art préhispanique qui, depuis le monde intérieur de sa coquille primordiale, régénère tous les hommes.
« Ils racontent qu'on utilisait le caracol pour rassembler la communauté, pour que la parole circule d'une personne à l'autre et que naisse l'accord... Le caracol était cet instrument qui fait que l'oreille entende la parole même la plus lointaine. » Sous-commandant insurgé Marcos.
Les Caracoles revendiquent une référence au passé des civilisations autochtones. Certains indigènes expliquent ainsi que le caracol permettait, dans les temps anciens, « d’alerter les communautés en cas de danger » et, maintenant, de « faire entendre la voix des zapatistes ». On a aussi évoqué les représentations sculptées de caracoles, dont émerge la figure d’un vieillard, et qui peuvent être interprétées comme une manifestation plastique de la conception maya du temps. De fait, la spirale témoigne bien d’une représentation temporelle qui s’écarte des simplifications finalistes d’une histoire linéaire, sans pour autant s’enfermer dans les cercles de la répétition. Elle évoque aussi des manières de parler, de penser ou d’être, qui ne sont pas sans rapport avec celles que l’on peut observer dans les communautés indigènes : éviter de manifester sa soumission à un intérêt immédiat ou un empressement à atteindre directement son but, comme le voudraient les logiques de la rationalité instrumentale et de l’efficacité optimisée ; admettre que beaucoup de détours peuvent parfois être un judicieux moyen de trouver son chemin et que le temps perdu de l’errance est une expérience bénéfique.
Extrait de la postface « L’âge des escargots » de Jérôme Baschet, La rébellion zapatiste, Flammarion, 2005.