Le 8 mars est jour férié au Burkina Faso. Instauré par Thomas Sankara, celui-ci voulait donner l’occasion à chaque homme d’échanger de rôle avec sa femme, en commençant par cette journée-là. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que les marchandes de légumes sur les marchés, confrontées à des acheteurs novices, allaient doubler, ce jour-là, le prix des marchandises les plus courantes… et eux de tomber dans le panneau (selon Madame Zongo, raconté dans la cour d’Hortense).
La mer quand elle a fait son lit sous la lune et les étoiles et qu’elle veut sombrer tout à fait dans le sommeil ou dans l’extase
la mer quand les poissons ont trouvé une autre route pour tirer la soie du cocon et gagner leur temps de paresse
la mer quand plus rien ne la retient d’en faire à sa tête
le contrat des Compagnies maritimes ni le traité des Eaux territoriales
ni le cours du baril ni celui du dollar
la mer enfin quand elle peut se ranger pour de bon et voyager incognito
ne descend pas à l’hôtel comme on pourrait s’attendre de la part d’une personne de son importance, non car elle n’a rien à voir avec les chambres de hasard et peu lui importe que des princes y soient descendus
la mer comme tout ce qui cherche mesure à sa soif ne descend pas, elle monte
elle monte dans les trains à petite vitesse les derniers survivants de l’ère vagabonde
à pratiquer le précepte bouddhique du voyage
et qui vont de gare en gare abandonnées dans la bruyère pour le plaisir de quelques vaches
elle monte dans les collines pour voir les toits d’ardoise et les tuiles
et la lumière sur eux qui pêche à la ligne et le mouvement de la terre alertée
elle monte aussi dans les chambres pour saluer les femmes
qui savent aimer et dont le corps garde longtemps la chaleur des étreintes
et là, s’arrête enfin et ses vagues l’une après l’autre se couchent dans leurs yeux
alors les femmes se lèvent car il est l’heure du café dans la cuisine
l’heure à nouveau d’affronter la houle des enfants et ces pensées en grand tumulte
qui vont viennent se brisent en éclats de verre et toujours ressuscitent
comme cet oiseau inlassable au fond du noyer qui répète
la même question - deux ou trois mots seulement – et le coeur est au large…
- Mère, que disais-tu déjà ?
(J’ai vu bouger tes lèvres) et ces yeux, qui te les as changés ?
Guy Goffette, Eloge pour une cuisine de province (extrait), cité dans Poèmes à dire, Une anthologie de poésie contemporaine francophone, Gallimard, 2002.
Le livre m'a été prêté par Natalie, la photo de Maman par Viviane, le poème dicté par Daphné.
Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !
J'ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au cœur de l'Eté et de Midi, je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l'éclair d'un aigle.
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée.
Femme nue, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau
Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or rouge sur ta peau qui se moire
A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
Léopold Sédar Senghor, Femme noire, Chants d’ombres, 1945.
8 mars 2007
Le 8 mars
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