J'aime beaucoup cette photo, prise par Christian à Gao. Je vous laisse imaginer le texte qui pourrait l'accompagner.
J'ai reçu de mon père ce texte dont il me dit : "J'aime le dernier poème tellement il est simple. On dirait une photo. Mais il faut se la représenter soi-même, dans sa tête et chacun a sa représentation du vieux avec sa bière, dans sa crasse."
Вот старый человек пивка
Выпить решил у магазина
Вот пьет он ,а вокруг –грязина
И жизнь как тощая резина
Ну выпьет,выпьет он пивка
А дальше что ?-
Я вас спрашиваю
C’est un type âgé qui boit de la bière
Devant une boutique
Il y a de la crasse partout
Et la vie on dirait un vieil élastique
Bon il va boire sa bière
Et après ?
Je vous le demande.
Dmitri Prigov, Moscou est ce qu'elle est, Caractères 2005. Traduction trouvée dans l'anthologie bilingue Poètes russes d'aujourd'hui, Edition La différence.
µ
L’aventure de l’errance m’a permis de vivre dans le présent, d’être assez bien dans le présent. J’ai un problème avec le présent. Je pense beaucoup au passé, je suis obsédé par le passé, par des amours mal partagées, des regrets, des échecs, des plaisirs et des joies qui me reviennent tout au long de mes voyages. Et en même temps, je fantasme, je me projette dans le futur. La photo m’aide, et le cinéma aussi, à être complètement dans le présent.
Il y a plusieurs manières d’être dans le présent. Voyager, aimer une femme, partager des choses très fortes, cela oblige à vivre dans le présent.
L’errance n’est pourtant pas liée au sentiment d’être, de rester quelque part, mais elle réside au contraire dans la quête de quelque chose. Cette errance, c’est d’avancer. Mais en avançant, je génère un passé. J’ai toujours un peu de regret. Je m’étonne parfois de ne jamais être satisfait.
J’ai eu la chance de parcourir le monde, d’aller où je voulais, sans aucune contrainte –sinon les règles du jeu que je m’étais données-, de faire les photos que j’avais envie de faire, de me remettre toujours en question, d’indiquer ma position pour bien dire qui je suis, d’avancer dans ma photographie, d’avancer dans mon expression, de ma libérer d’un certain nombre de choses, par rapport à mon parcours, à la traversée que j’ai faite, depuis le journalisme et la photographie de reportage jusqu’à aujourd’hui où j’arrive vraiment à être le plus près possible de moi-même, sans rien perdre de la force que j’avais dans les premiers moments. Parce qu’il ne suffit pas de faire des plans, de prendre un billet d’avion, il ne suffit pas d’emporter un appareil photo, de décider qu’on fait des photos en hauteur ou en largeur, de choisir une pellicule noir et blanc… Il faut vraiment ressentir une nécessité pour faire ces photos. Avais-je cette nécessité ? Avais-je la nécessité de faire ces photos, de m’éloigner des individus, de photographier ainsi sans frontières, de mélanger tout cela, de continuer cette quête du lieu acceptable ?
Raymond Depardon, Errance, Seuil, 2000.
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