17 août 2007

L'ivresse



Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs: Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages, Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.





























La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l'œil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et, dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs, et les courants : je sais le soir, L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très-antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets!
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs!
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs!
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant au fleurs des yeux de panthères à peaux D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux!
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants. - Des écumes de fleurs ont béni mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux ...
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds, Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons!
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau;
Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur,
Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et des Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles, Millions d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où, vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi, plein de tristesses, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Arthur Rimbaud, Le bateau ivre.



Je n'ai pu percer sans frémir
ces portes d'ivoire ou de corne
qui nous séparent du monde invisible.

Gérard de Nerval

9 août 2007

Les muses et les sirènes





















Viens ici ! viens à nous ! Ulysse tant vanté ! l’honneur de l’Achaïe ! … Arrête ton croiseur : viens écouter nos voix ! Jamais un noir vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres ; puis on s’en va content et plus riche en savoir, car nous savons les maux, tous les maux que les dieux, dans les champs de Troade, ont infligés aux gens et d’Argos et de Troie, et nous savons aussi tout ce que voit passer la terre nourricière.

Homère, Odysée, chant XXII, traduction française, Armand Collin, 1931.




ce qu’il recherche, c’est une fille avec de jolies mèches
il semble prêt à tout pour elle, à l’amour intemporel
à la protéger en lui mettant des huiles essentielles
être le rempart, elle, serait la citadelle
chaque fois qu’il y pense
dans les yeux, il a des étincelles

quand il a dit « pour toi j’irai jusqu’au bout du monde », elle a dit « restes-y »
quand il a dit « pour la paix, j’irai chercher la colombe », elle a dit « non merci »
quand il a dit « pour toi j’irai jusqu’au bout du monde », elle a dit « restes-y »
quand il a dit « pour la paix, j’irai chercher la colombe », elle a dit « non merci »

MC Solaar, Non merci, Chapitre 7


La cité
























Corcyre (Corfou), le 8 août 2007.

C’est en rêvant au prénom -éventuellement grec (Lysias, Tomas, Nicolas, Odyseas, Yannis, Linos, Dimitri, Théodore, etc.)- du petit frère de Daphné et de Lucien (prononcez ici Dafni et Lucianos) que nous vous écrivons cette carte.

Quelle vous trouve en pleine forme et sous le soleil autant que possible. Ce qui est notre cas.

Nous approfondissons notre connaissance de Corfou avec, cette année, outre la plage d’Ulysse (enfin de retour après avoir défait les sirènes) et le village de Dafni (près du mont Pantokrator), la villégiature de Sisi (toute à la gloire d’Achille) et la plage d’ Agni (face à la côte albanaise si proche), le petit train sur la baie de Garitsa et le musée asiatique dans le palais de Saint Georges et Saint Michel !
Corfou : cité du monde.

Nous vous embrassons.

nota bene : la photo du coucher de soleil est de Dafni

Zoë & Quentin
Daphné & Lucien