31 décembre 2006

Le Sahel



Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Quand ta peuplade de vachers a-t-elle jailli du néant pour s’échouer sur les berges du Sénégal ?
Au VIe, au VIIe, au VIIIe siècle ? Bien malin celui qui pourrait le dire !
Il reste qu’on ne s’attendait pas à ce que tu t’éternises par là. On pensait que tu ne faisais que passer, que sitôt repu de notre mil et lassé de nos femmes, tu t’en retournerais chez toi, vers les contrées inimaginables des démons et des fous, les seules qui soient dignes de tes étranges allures. Eh bien, non, maudite engeance ! Tu ne nous a plus quittés. Tu n’as plus arrêté de souiller nos rivières, de dévaster nos champs ; de hanter nos villages et nos nuits. Sans rien demander, tu as planté ta hutte et démoli le paysage. Il était déjà trop tard quand on a ouvert les yeux. De passant, tu étais devenu voisin puis convive puis gendre puis pur autochtone. Tout cela, en un clin d’œil !
Ah, malheur !

Tierno Monénembo (utilisant la parenté la plaisanterie), Peuls, Seuil, 2004.











Cette photo (les sandales) est le fait de Lucien qui m'a demandé de la prendre. J'espère qu'elle lui plait.








24 décembre 2006

L'homme



Seul l'homme peut guérir l'homme.

Proverbe wolof et/ou peul

Homo homini lupus (l'homme est un loup pour l'homme).

Dicton latin













L'année

Nous vous en souhaitons une bien belle ....



Ce que nous jouons, c'est la vie.

Louis Armstrong

20 décembre 2006

Le Roi Christophe



Solé, Solé-ô, moin pa moun icit
Moin cé moun l’Afric
Mé zammi coté solé, solé alé-ô
Fé youn vévé pou loa yo
Damballah mvédo
Ago yo mvédo
Fé youn vévé pou loa yo
Damballah mvédo


[…]

CHRISTOPHE

Petite griffe, tu n’es pas nègre ; tu es griffe (NDLR : variété de métis haïtien). Mais comme la terre garde en ses plis la trace des grandes commotions, tu as connu,… non,… tu as vécu dans le roussi de tes cheveux l’halène infernale de la foudre ; non ? Aux épaules, là, entre les deux épaules, j’en suis sûr, l’invisible carcan, indestructible ; au détour du sable, le débouché subit de la caravane : ce sont peines et affres venues d’aussi loin que les cavernes ; des nausées, n’est-ce pas ? Ah ! profondes comme les fleuves, et notre rire aussi comme le taureau rouge jaillissant pendant l’orage du forcené pâtis des nuages remués. Donc tu es nègre ! Au nom du cataclysme, au nom de mon cœur qui remonte la vie toute dans le hoquet du dégoût, je te baptise ; te nomme ; te sacre nègre… Alors, petit nègre, te sens-tu le courage de marcher dans le sang ?
Depuis Milot jusqu’au Cap et du Cap jusqu’à Saint-Marc ?
En avant !

(Il tombe.)

Tonnerre ! Qui, qui ?
Quel ennemi invisible campe autour de mes murs, dressant contre moi ses engins ?

(Hallucination du roi : Boyer apparaît accompagné d’un brillant état-major.)

BOYER

La verge de fer qu’il aimait brandir sur vos têtes va se briser enfin dans ses mains… Ceux-là mêmes qui étaient ses lieutenants l’abandonnent, las de n’être que se premiers esclaves. Soldats, la Vengeance, réveillée du sein de la Providence se lance à sa poursuite. Soldats de la République, vous êtes aussi les soldats de Dieu.

SOLDATS

Hourrah ! Hourrah ! Hourrah !

(Les soldats traversent la scène pour suivre Boyer.)

CHRISTOPHE, revenant à la réalité.
Le page l’aide à se relever.


Afrique ! Aide-moi à rentrer, porte-moi comme un vieil enfant dans tes bras et puis tu me dévêtiras, me laveras. Défais-moi de tous ces vêtements, défais-m’en comme, l’aube venue, on se défait des rêves de la nuit… De mes nobles, de ma noblesse, de mon sceptre, de ma couronne.
Et lave-moi ! Oh, lave-moi de leur fard, de leurs baisers, de mon royaume ! Le reste, j’y pourvoirai seul.

(Ce disant, il prend dans sa main le petit révolver qui pend à son cou, au bout d’une chaînette.)


Aimé Césaire, La tragédie du Roi Christophe, Présence Africaine, Paris, 1963.








18 décembre 2006

Le cinéma



Croire

Théâtre et Cinéma : alternance de croire et de ne pas croire. Cinématographie : continuellement croire.

Dans le mélange du vrai et du faux, le vrai fait ressortir le faux, le faux empêche de croire au vrai.
Un acteur simulant la peur du naufrage, sur le pont d'un vrai navire battu d'une vraie tempête, nous ne croyons ni à l'acteur, ni au navire, ni à la tempête.

R. Bresson





























4 décembre 2006

La camera obscura




Jeanne et Lulu jouent avec une tortue.
Jeanne joue au kicker.


Jeanne et moi jouons aussi avec ma camera obscura sony. Et voilà un échantillon de ce que donne notre petit jeu.








Nos regards croisés sur les enfants et sur l'eau.



Nos regards croisés sur un thème librement choisi (Noël à Ouagadougou ?).





















Pour que ta photo soit lue… Prends avec tes yeux…. Comme tu vois…

Abbas Abibella Abdulatif (photographe soudanais), cité dans Un autre monde (actes des rencontres africaines de la photographie de Bamako).



µ


A plouf un fouc
scur tal me sen :
no’l è soreli
e no’l è lus.

Dis dols e clars
a svualin via,
jo i soj di ciar,
ciar di frutùt.

µ

[…]

Il pleut un feu
obscur sur ma poitrine :
ce n’est pas le soleil
et ce n’est pas la lumière.

Journées douces et claires
s’envolent au loin ;
moi, je suis de chair,
chair de petit enfant.

[…]

Pier Paolo Pasolini, Le dimanche olive, extrait de Dans le cœur d’un enfant (Tal cour di un frut), Actes Sud, 2000.